Selon le dictionnaire Robert, est qualifié de Collaborateur : « 1. Personne qui collabore à une œuvre commune. 2. Français partisan de la collaboration avec les Allemands pendant l’Occupation. »
Vous l’avez sans doute observé, dans la novlangue managériale, le « collaborateur » est, plus que jamais, un mot-valise qui définit la relation patron/subalterne, supérieur/subordonné.
Qu’en dit le Code du travail, qui régit les relations dans l’entreprise ?
Et bien, en droit, le « collaborateur » n’existe pas !
C’est le lien de subordination et lui seul qui fonde la relation de travail dans l’entreprise. Le salarié est subordonné à son employeur et les deux sont liés par un contrat avec des droits et des devoirs. Le salarié échange son temps et sa force de travail contre un salaire et un lien hiérarchique de subordination. Le salarié est ainsi « la partie faible » du contrat.
Cependant, l’emploi du mot « collaborateur » est systématique (même des représentants du personnel utilisent ce terme ☹) et définit pourtant une autre réalité : celle d’une équipe dirigée vers un même but où le salarié/subordonné se hisse au niveau d’équipier, dépassant le cadre du Code du travail.
Les assistantes qui travaillent pour les ingénieurs sont leurs collaboratrices, ces derniers étant les collaborateurs des middle managers, eux-mêmes collaborateurs des cadres dirigeants. En d’autres termes, chacun, à un moment ou à un autre, est le collaborateur de quelqu’un, suggérant même que tout le monde est au même niveau. Mais ne nous y trompons pas, il s’agit de partager la responsabilité, pas les décisions ni les récompenses.
Fin de la discussion ? Pas tout à fait. Il serait bon de savoir comment et pourquoi le collaborateur a supplanté le collègue voire le subordonné.
Dès lors que leur sécurité n’est pas garantie par une loi s’appliquant également à tous, les humains n’ont plus d’autre issue que de faire allégeance à plus fort qu’eux. Serait-on subrepticement passé du lien de subordination à l’allégeance ? En effet, la mode n’est plus au management autoritaire assumé. Ce n’est pas pour autant la fin de la domination et de l’exploitation. Mais l’évolution des discours et des pratiques concourt à son acceptabilité en alimentant une dynamique de « servitude volontaire » chère à La Boétie.
Alors, réfléchissez-y la prochaine fois qu’on parle de vous comme d’un·e « collab» ! 😊